Le Solitaire de Michael Mann-Un second long-métrage d'une grande maitrise
- jacquotnoah100
- 11 nov.
- 3 min de lecture

Thief (Le Solitaire en français), deuxième long-métrage du mythique Michael Mann, profite actuellement d’une ressortie en salle assez discrète, du moins pas à la hauteur de l'œuvre en question et de sa restauration 4K. Sorti en 1981, le film, concurrent licite parmi les meilleurs de son réalisateur, révèle au grand public un cinéaste brillant et son style réaliste à l’esthétique bleutée. Précédant des œuvres majeures comme Heat (1995) ou Collatéral (2004), il pose les jalons d’un univers où le bien et le mal se perdent dans une frontière poreuse dominée par l’argent.
Caméra électrisante
Dès l’ouverture, séquence quasi en temps réel d’une intrusion dans un coffre, Mann doit se mettre au niveau de son protagoniste Frank (très justement interprété par James Caan), aspirant retraité et père de famille, mais surtout talentueux voleur de bijoux.
Alors, de suite, lorsque le braqueur sort les outils, le cinéaste déploie une grande mise en scène de la technique. Faisant entrer sa caméra dans des serrures aussi vite que Frank collecte les diamants, multipliant inserts et gros plans au rythme de la composition électronique de Tangerine Dream, le cinéaste américain prouve son savoir-faire pour mieux faire apparaître celui de son personnage.
Une séquence d’ouverture qui inspirera celle de Drive en 2011, film qui reprend aussi de “Thief” sa photographie azurée si reconnaissable, où les reflets des routes mouillées se confondent avec les étincelles des coffres forcés. Si l’esthétique peut sembler presque onirique par instants, “Thief” ne manque pas de rappeler son réalisme à travers de longs silences que Michael Mann s’amuse à briser à coups de disqueuse assourdissante, pour mieux nous ramener à la réalité quant au destin de ce braqueur amoureux.
“Big fucking romance”
Paul Thomas Anderson ne cessait de le répéter dans Magnolia :
“We might be through with the past, but the past ain't through with us.”
Si Frank pense pouvoir arrêter ses activités de mafieux et profiter d’une vie de couple bien tranquille, le film, lui, ne cesse de nous indiquer le contraire. Chez Michael Mann, le mafieux n’a pas de seconde chance : il est condamné. Très vite, dans une scène de déclaration très marquante dans une voiture, le vocabulaire du voleur s’immisce dans la vie de couple.
Une intrusion que le cinéaste américain continue de faire grandir tout au long du film avec beaucoup d’intelligence : pensons à la séquence très marquante de l’adoption, qui résume avec brio ce propos : si la société rejette Frank et son passé de prisonnier, c’est la mafia qui lui permettra d’adopter et se chargera de lui trouver un enfant. L’omniprésence de ce système de l’ombre, allant même jusqu’à corrompre la police (comme régulièrement dans l'œuvre du cinéaste), montre bien l’appétence de Mann à décrire une société qu’il rejette, dominée et détruite par son avidité d’argent. Car c’est cette avidité même qui conduira à la fin tragique de Frank et de tous les gangsters du récit. En l’espace d’une courte séquence, Mann détruit tout, enflamme le cadre, balance les rêves par la fenêtre et illustre l’absurdité d’un mode de vie qu’il s’est efforcé de décrire pendant deux heures. Une fin lourde, peut-être, mais pleine de sens, rappelant celle du Parrain, où James Caan connaissait déjà une fin somme toute émouvante… je n’en dis pas plus.
Conclusion
Bien qu’il aborde des thèmes récurrents au cinéma américain, “Thief” se place comme un film singulier, à la mise en scène exemplaire, qui crée avec brio des liens entre deux mondes jusqu’à les faire cruellement fusionner. Une porte d’entrée idéale au cinéma de Michael Mann, qu’il ne faut pas manquer de découvrir, si possible dans sa version restaurée, en attendant la sortie lointaine de Heat 2, toujours en cours de production.
Un film toujours disponible en salles
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