Entretien avec l'écrivain David Halphen auteur de la BD Fusion Man
- Arthur Heulin

- il y a 4 jours
- 6 min de lecture

Aujourd’hui nous accueillons David Halphen, créateur de la B.D Fusion Man en six Tomes, passionné de comics, de mythologie antique et de manga, ce scénariste engagé, écrit sa propre bande dessinée où il introduit “le super-héros gay qu’il aurait voulu avoir à l’adolecence”. David va nous livrer ses secrets sur sa création et son rapport à la fiction.
Bonjour David. Tout d’abord, merci d’avoir accepté cet entretien.
Je t’en prie
Comment est "né" Fusion Man ? Est-ce le tout premier projet que tu as écrit ?
Dans les années 2000, Canal Plus produisait des collections de court-métrages sur divers sujets. Avec le concours de l’INPES, et d’AMDA Productions, Canal souhaitait diffuser plusieurs films contre l’homophobie.
Comme je suis scénariste/réalisateur de formation, j’ai décidé de me lancer dans cet appel à projet, en écrivant l’histoire du super-héros gay que j’aurais voulu avoir en grandissant ado. Avant les années 2020, les personnages queer étaient quasi absents de la fiction grand public. J’ai envoyé mon scénario et il a été sélectionné par Canal Plus et porté à l’écran par Xavier Gens (Sous La Seine) et Marius Vale.
Où as-tu appris à écrire des BD ?
Après la sortie du court-métrage, beaucoup de projets de séries lives ont été évoqués, accompagnés par Jeanne Rose Tremski, l’une des productrices derrière Un Gars Une Fille.
Malgré notre passion pour le projet et l’intérêt des chaînes, impossible de trouver les financements. Le combo super-héros + LGBT faisait peur. J’ai donc décidé de faire un Webcomics gratuit en ligne. On était en 2013 et les manifestations pour et surtout contre le Mariage Pour Tous faisaient rage. C’était une période très douloureuse.
Une homophobie jusque-là cachée banalisait sa voix dans les rues de France avec une grande violence. J’ai donc utilisé Fusion Man pour « lutter » virtuellement contre ces féroces conservateurs en offrant un héros courageux aux personnes LGBT. Essayer de trouver un peu réconfort au milieu de cette période trouble. Je n’avais jamais fait de BD mais j’avais sympathisé lors d’un évènement que j’avais organisé avec Georges Jeanty, le dessinateur de la suite de Buffy en comics (il a aussi travaillé sur X-Men). Il m’a donné quelques conseils précieux sur la façon d’écrire une BD. Je lui en suis encore aujourd’hui très reconnaissant. Nous sommes depuis devenu amis, et il a d’ailleurs effectué la couverture de Fusion Man, Les Choix des Héros.
Qu’aime-tu dans l’écriture de fiction ?
Le mélange entre la créativité folle et sans limite et la rigueur de la structure d’un récit et de la construction d’un personnage. Pour écrire une bonne histoire, il faut un mélange de folie et de technique. Il faut aussi avoir quelque chose à raconter.
Que ce soit des histoires sur la vie de tous les jours, ou une histoire de monstre dans l’espace, la substance d’une histoire est pour moi capitale. Que cherche-t-on à raconter sur le monde, sur les gens, sur une époque… d’un point de vue éthique, philosophique ou psychologique ! Et ça j’adore !
Des héros de comics qui t’ont inspiré ?
On en parlait plus haut : Buffy justement ! Mais aussi Spider-Man, Batman, Superman… Les classiques ! J’adore Saga de Brian K Vaughan également !
La série Batman des années 90 est un modèle de narration capable à la fois de raconter des histoires bouclées fortes en même pas 20 mn tout en dévoilant une mythologie complexe et en faisant évoluer les personnages sur des arcs plus complexes. Et Spider-Man, je suis tombé dedans au moment des films de Sam Raimi et de l’arc de J Michael Straczynski et Romita Jr en comics.
Comment as-tu inventé le concept des Gaiars ?
J’adore la mythologie antique et je pense souvent à ce qu’a dit Zack Snyder (Man Of Steel) sur les super-héros et les comics :
c’est de la mythologie moderne. Il en existe plusieurs versions alternatives, plusieurs récits similaires mais avec des différences selon les époques et les récits.
Des héros à l’allure vaillante et courageuse, aux physiques sculpturaux. Tourmentés par des histoires de cœurs et des histoires de familles complexes, voire tordues. En ça les comics font effectivement échos à la mythologie antique.
Je voulais m’inscrire là-dedans. Les auteurs du comics français Hoplitéa chez Northstar comics ont utilisé aussi la mythologie pour l’origin story de leur super-héroïne. Je crois que quand on pense super-héros européen, cette partie de notre culture s’impose à nous. Et je suis aussi très sensible aux questions écologiques, et l’idée que les pouvoirs de nos héros viennent de la Terre – Gaïa – me plaisait beaucoup.
Peux-tu nous parler des dessinateurs qui t’ont accompagné dans cette aventure ?
Je n’aurais rien pu faire sans eux évidemment ! Ce n’est pas un projet évident à porter car le milieu du comics est encore très hétéronormé. Beaucoup de libraires ne sont pas forcément à l’aise avec ces sujets
(je parle d’expériences). Donc s’exposer, et associer son nom à Fusion Man et son équipe de héros LGBT, est encore en 2025 un acte militant, engagé et courageux. Les artistes du webcomics comme Steeven Labeau, ou Christelle Lazy ont ouvert le bal de façon extraordinaire en 2013, puis Yas Munasinghe a pris le relais pour le premier arc en BD ! Suivi de nombreux artistes très talentueux. Et il ne faut pas oublier que contrairement au manga, le comics se fait en équipe : un dessinateur, un coloriste, un lettreur… il a fallu une armée d’artistes passionnés pour que Fusion Man voit le jour !
Que penses-tu de l’inclusion des personnes LGBTQ+ dans les comics modernes de DC et Marvel (Batwoman, Superboy, X-men, Harley Quinn et Poison Ivy) ?
Je pourrais en parler des heures… La version courte, c’est que des efforts sont faits au sein des gros éditeurs, portés par des auteurs queers investis, impliqués et concernés par ses causes. Mais encore une fois, le milieu n’est pas prêt pour ce genre d’histoire et les titres s’arrêtent trop rapidement.
Pas assez queer pour le public LGBT, trop queer pour le public conservateur… Ces projets ont du mal à durer… Le fils de Superman et Loïs a par exemple eu un titre qui n’a duré que 20 petits numéros.
Alors qu’on parle d’une licence comme Superman, écrit par Tom Taylor, un auteur star chez DC Comics… et ça n’a pas marché ! Les titres sont parfois aussi coincés dans l’exigence que les auteurs s’imposent à avoir des personnages queer très positifs.
Il y a une sorte de pensée d’écriture responsable qui tend vers la discrimination positive envers Jon Kent, Iceberg, Robin.. qui les rend plat et peu intéressant par moment. Sans compter que ce sont des hommes. Au contraire, Harley Quinn et Poison Ivy sont des femmes, dont sont mieux acceptées par le public masculin hétéro cisgenre sans compter que leur statut historique de super vilaine leur donne plus de profondeur. Les auteurs se permettent plus de choses !
As-tu été inspiré par Lois Lane pour le personnage d’Anne ?
Totalement ! Bien vu !
C’est une déconstruction et une réponse amusante au personnage de Loïs Lane, un personnage que j’aime depuis mon enfance ! A quoi ressemblerait la relation de Loïs et Superman, si Clark aimait les garçons?
Aimerais-tu que ta BD soit adaptée au cinéma ?
Il y a déjà eu le court-métrage de 2009. Mais j’adorerais le voir revivre au cinéma. D’un côté, les questions LGBT se sont démocratisées sur nos écrans, d’un autre côté, la montée des extrêmes un peu partout dans le monde est le signe du retour en force de la pensée conservatrice. Un super-héros comme Fusion Man a donc d’autant plus sa place et son rôle à jouer, mais arrivera-t-il à émerger dans ce contexte ?
Et en jeu vidéo ?
Je n’y avais jamais pensé, mais ce serait amusant !!! à bon entendeur !
Ton arc préféré de ta BD ?
C’est comme choisir entre ses enfants, impossible ! Mais pour te répondre, je dirais le dernier car j’ai gagné en maturité et en technicité en tant qu’auteur au fur et à mesure de la sortie des volumes.
Mais je juge là mon travail, je trouve que toutes les histoires ont leur importance.
Ton personnage préféré parmi tes héros ?
Je les aime tous ! Même les méchants ! J’ai un attachement particulier à Raphaël et Anne Darren.
Sur quoi écris-tu en ce moment ?
J’ai deux projets… de manga ! C’est un autre pan de la BD que j’adore depuis mon adolescence avec Sailor Moon ou Card Captor Sakura.
Alors j’explore ce nouvel univers avec un projet de science-fiction porté par une héroïne et un autre projet top secret.
Fusion Man est disponible en librairies ! Nous invitons à vous la procurer très vite !







Commentaires