Entretien avec Mello la Sorcière à lunettes- Créatrice de contenus fan du cinéma d'animation!
- Arthur Heulin

- 17 nov.
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 nov.

Alors que le cinéma moderne prêche de plus en plus un appel au réalisme très discutable, une sorcière pleine d'humour et amatrice d’animation résiste encore et toujours à l'envahisseur en redessinant des films et séries animées “à sa sauce” et en décortiquant les systèmes de narration d’une histoire.
Aujourd’hui, ladite sorcière qu’on appelle Mello a accepté de nous recevoir dans son atelier pour partager quelques-uns de ses secrets sur ses deux émissions.
Bonjour Mello. Tout d’abord, merci d’avoir accepté cet entretien.
C'est moi qui vous remercie pour l'occasion, bienvenue dans mon atelier !
Comment avez-vous eu l’idée de Redesign et DLT ?
"Redesign" vient d'un exercice de mon école d'animation. Nous devions étudier un style de chara-design (la construction, la colorisation, etc) avant d'essayer de le recopier avec un personnage connu. J'avais fait Capitaine Flam dans le style de Joe Shuster (le dessinateur original de Superman) et j'avais de plutôt bonnes réactions de notre intervenant·e. Quand j'ai eu du mal à trouver des débouchés après mes études, j'ai eu envie de refaire l'exercice avec d'autres styles et personnages pour ne pas perdre mes savoir-faire.
J'ai voulu en profiter pour travailler mon sens de la narration que j'ai développé à force de regarder des vidéos et de lire des articles sur la narratologie. D'où mon idée de proposer un pitch imaginaire pour des séries ou films qui avaient mal exploité leur potentiel. Pour DLT, c'est simplement que je voulais parler de codes de narration plus frontalement que dans le cadre de "Redesign". Mais j'essaye autant que possible de lier les deux émissions entre elles (faire un épisode sur les pactes avec le diable puis un épisode sur la Fille des Enfers; un épisode sur les magical girls puis sur LoliRock; etc.)
Pourquoi une sorcière à lunette comme avatar ?
Même si elles m'ont longtemps fait peur à force de menacer de manger les enfants, les sorcières étaient mes êtres magiques préférés parce que je les trouvais plus caractérielles que les fées.
En grandissant j'ai fini par me rendre compte de la portée symbolique de ces deux figures, mais j'ai voulu rester fidèle à mon 1er amour surnaturel l'utilisant comme avatar. Pour les lunettes, c'est déjà parce que j'en porte dans le monde réel. Ensuite parce que je suis une Potterhead depuis mes 8 ans (Rowling peut aller se faire voir, nous n'avons pas besoin d'elle). Et enfin parce que c'est une facilité de chara-design qu'on retrouve dans beaucoup de cartoons (notamment le Laboratoire de Dexter) et que j'aime bien.
Y a t’il un dessin animé, un livre, un jeu vidéo ou un film qui vous a marqué ?
Je dirais que la série "Magical Dorémi" est un des animes qui m'a le plus marquée dans mon enfance, même si j'ai commencé à le regarder à partir de la saison 3.
C'était la 1ère fois que je voyais une œuvre animée qui abordait de manière frontale des drames quotidiens comme le divorce des parents de Sophie, le deuil de Mindy ou encore la déscolarisation de Capucine. Et malgré toute la mélancolie de ces sujets, la série les traite d'une manière profondément douce et bienveillante. Je pense que cet optimisme est idéal pour parler de ces thèmes à un jeune public.
Où avez-vous appris la magie du dessin ?
Je dessine depuis toujours, mais j'ai commencé à envisager une carrière artistique au collège. Après mon Bac Littéraire, je me suis orientée vers une Licence d'Arts Plastiques pendant 4 ans, où j'ai appris les bases de la construction de volumes, de l'anatomie et de la perspective.
Puis je me suis inscrite à e-artsup, une filiale du groupe IONIS spécialisée dans le cinéma d'animation, les médias numériques et le jeu vidéo; là encore pendant 4 ans. Même s'il manquait pas mal de bases que je trouve essentielles en storytelling, c'est là que j'ai appris ce qu'il fallait apprendre en cinéma d'animation (le vocabulaire du cinéma, comment écrire un script, le design de personnage, la modélisation 3D etc.)
Comment avez-vous rencontré Tippi ?
Hors de la diégèse de ma chaîne, j'avais envie de donner à mon personnage un interlocuteur pour rendre les échanges plus dynamiques. Comme je travaille seule sur mes vidéos, la grande difficulté était de trouver un personnage avec une base suffisamment neutre pour ne pas avoir à dessiner toutes ses potentielles réactions, ce qui m'aurait pris beaucoup de temps de travail sur les vidéos.
À cette époque, mon frère et moi refaisions certains de nos vieux jeux et étions sur "Super Paper Mario". Le design simple des Pixel (surtout Tippi) était pile ce qu’il me fallait. Dans la diégèse de ma chaîne, je compte en parler pour une occasion spéciale. Il va donc falloir être patient ^^
Si vous pouviez créer votre propre œuvre en animation, à quoi ressemblerait-elle ?
J'ai trop de pitchs imaginaires incomplets et trop de styles préférés pour faire un choix concret hélas. J'aimerais surtout faire quelque chose de sincère et surtout pouvoir la conclure comme je le veux sans avoir à me plier aux demandes de décisionnaires stupides (comme Netflix qui annule des séries prometteuses et appréciées pour promouvoir du contenu plus bingeable).
Y a t’il un livre ou un jeu vidéo que vous aimeriez voir adapté en film d’animation ?
L'octalogie "Artemis Fowl" d'Eoin Colfer. Le film de Kenneth Branagh était très mauvais en dépit des talents impliqués et je pense que l'univers des livres serait plus facile à retranscrire en animation qu'en live-action. D'autant plus que de cette manière, on n'aurait pas à engager des enfants acteurs dont l'enfance serait détruite au nom du divertissement.
Votre Redesign préféré ?
Je dirais mon épisode sur "Johnny Quest". C'était une série que je ne connaissais pas et que je suis plutôt contente d'avoir découverte. Surtout que je m'attaque rarement à des séries au casting principalement masculin.
Qu’aimez-vous dans l’animation ?
L'animation, quelle que soit la technique employée, a de plus grandes possibilités pour créer des univers ou des créatures imaginaires que le live-action. Je ne veux pas manquer de respect aux travailleurs du cinéma, j'admire les travaux de maquette de la trilogie originale ou la modélisation des Jaegers de "Pacific Rim."
Mais ces films restent prisonniers du cadre réaliste qu'on attend d'un film avec des personnes de chair et de sang à côté ou dans les costumes. En comparaison, l'animation peut se permettre davantage d'expérimentation et de délires visuels puisqu'il n'y a pas la contrainte de devoir faire jouer un être humain. L'exagération de l'animation rend aussi les personnages plus vivants à mon goût, là où le live-action paraît surjoué et donc peu convainquant.
Une chanson dans un film d’animation qui vous a marquée ?
"Comme un homme" de Mulan. C'est la chanson que j'écoute tous les jours avant de gravir les 4 étages d'escalier pour rentrer chez moi ^^
Comment façonnez-vous vos vidéos, pouvez-vous nous parler des coulisses ?
J'établis d'abord une liste de sujets potentiels pour les deux émissions. J’en sélectionne 6 que je suis sûre de traiter et 4 “potentiels”. Il m’arrive de remettre une vidéo à plus tard pour lui donner un contexte plus pertinent (comme une future sortie ou une polémique récente). Pour Dis Les Termes, je choisis des notions surtout anglophones ou que peu de personnes connaissent hors de la profession.
Je fais les recherches nécessaires en prenant des notes, je trouve des images ou vidéos d'illustration, je compile les notes dans mon script et je conclus avec des exemples que je connais tout en essayant de rester pertinente. Puis j'enregistre mes répliques et celles de Tippi, et je commence le montage sur Premiere Pro.
Quand je suis satisfaite du résultat, je fais une 1er exportation pour tester le bot YouTube et la sous-titrer pour mon public malentendant. D'ici à la date de publication habituelle (le 1er du mois pour DLT), j'ai le temps de faire les ajustements nécessaires avant l'exportation finale et la publication sur YouTube. Pour Redesign, il faut que ce soit un jeu vidéo, une série ou un film d'animation qui n'a aucun lien avec des personnes ayant réellement existé. C'est trop malaisant et irrespectueux de travailler sur des personnes ou des drames réels. Puis je fais des recherches sur la production, la technique utilisée, le casting vocal, etc. Cette partie implique que je regarde le film ou la série moi-même. J'analyse les personnages tout en prenant des notes et en réfléchissant à mon angle d'attaque.
Je fais un crayonné papier que je scanne pour ensuite le terminer sur Photoshop. J'enregistre le procédé grâce à OBS Studio et je complète mon script. Mes travaux de dessin et de réécriture s'influencent l'un l'autre, ce qui fait que je ne sais jamais vraiment à quoi vont ressembler les personnages que je redessine
ni quelle sera leur histoire avant de commencer l'un ou l'autre. De plus, je fais une version française ET une version anglaise de mes dessins étant donné que je publie mes œuvres sur des sites majoritairement anglophones.
Une fois que mes dessins et mon script sont prêts, j'enregistre mes répliques et je commence le montage Premiere Pro sur des images/vidéos d'illustrations. Quand je suis satisfaite du résultat, je fais une 1er exportation pour tester le bot YouTube et la sous-titrer pour mon public malentendant et anglophone.
J'en profite également pour extraire la partie dessin de mes vidéos pour en faire des vidéos courtes que peux publier sous forme de Shorts YouTube, Reels Instagram ou vidéos TikTok. D'ici à la date de publication habituelle (le 15 du mois pour Redesign), j'ai le temps de faire les ajustements nécessaires avant l'exportation finale et la publication sur YouTube. Comme c'est un procédé assez chronophage, je me limite à 2 vidéos par mois.
Votre avis sur le concept des films d’animations adaptés en live-action ?
Là encore; sans vouloir manquer de respect à toutes les personnes impliquées dans de tels projets; je trouve que c'est une démarche peu pertinente qui n'apporte aucune plus-value à l'œuvre que l'on adapte.
Cela dessert même l'œuvre en limitant son potentiel visuel aux attentes du live-action : réalisme des textures, expressions naturelles, limitations dues aux acteurs en costume, etc. D'autant que la démarche ne fait que rabâcher l'idée reçue et fausse comme quoi l'animation ne serait pas du "véritable" cinéma. Il y a bien une ou deux exceptions intéressantes, mais ce sont des films qui ne renient ni ne dénigrent leur origine animée en assumant son esthétique stylisée et ses personnages expressifs, comme le "Speed Racer" des sœurs Wachowski.
Que pensez-vous de “l’invasion” des I.A génératives ?
Je crache dessus et prie pour la disparition de cette technologie (ainsi que la ruine financière de toutes les personnes qui ont investi dedans) dès que j'en ai l'occasion. Pour ne pas céder à la vulgarité et citer le maître Miyazaki; les IA génératives sont une insulte à la vie elle-même et à notre potentiel en tant qu'êtres humains. Plus vite on s'en débarrassera, mieux on se portera tous.
Quel futur imaginez-vous pour vos redesigns et votre chaîne ?
J'espère bâtir assez de savoir-faire et de contacts pour pouvoir lancer mes propres projets. Je doute de pouvoir fonder un GLITCH français, même bien entouré, mais si je pouvais au moins terminer et diffuser ne serait-ce qu'une des idées que j'ai depuis des années; j'en serais déjà très heureuse. En attendant que ça se concrétise, je vais continuer à m'amuser en redessinant des personnages et en décryptant des codes de narration.
Une dernière chose à ajouter ?
J'ai été ravie de passer cet entretien.
Je vous laisse rejoindre la sortie de l'atelier et rappelez-vous d'éviter de déranger mon dragon Ozzie en partant !
Ozzie grognon (silence) ... trop tard ^^"... Run for your life ! AAAAh ! Pas de panique !
Ayant vu le film Dragon de Dreamworks je sais comment maîtriser ces cracheurs de feu !
Vous pouvez la retrouvez juste ici






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